La tournée des ouvertures se poursuit et là on passe la journée au Retro Billiards… je connais ici l’expérience la plus folle que j’ai vécue au Vietnam… pour l’instant !
Mais petite anecdote sur cette ville… la veille au soir, Thinh Kent a rencontré un de ses clients qui possède une salle de 18 tables et qui a pris possession du café d’à côté pour agrandir sa salle. C’est en travaux, cela ouvrira en décembre et il y aura… 57 tables ! Et pourtant des clubs il y en des dizaines, ce sera bien la plus grande dans cette ville. Des chiffres qui font tourner la tête !
Ici la ferveur populaire est la plus grande à laquelle j’ai assisté depuis mon arrivée. Je pense qu’il y avait en tout 200 personnes. Autrefois on signait des autographes, aujourd’hui ce sont des selfies et chacun me tirait contre lui pour avoir sa photo. Pas de soucis, c’est normal, s’il n’y a que cela pour les rendre heureux !
Déjà un accueil de fête avec des banderoles et des affiches qui annoncent un duel au sommet entre Thinh Kent et moi-même. Autant vous dire que je l’ignorais en quittant Hô Chi Minh City, et pire encore le duel annoncé allait se passer à la libre sur 400 points… mais bien sûr, un jeu que je n’ai pas pratiqué depuis des années. Mais soit, je relève le défi, ce qui compte c’est que les gens ici soient contents.
J’étais préparé comme si j’allais jouer un tournoi, prêt à être concentré à fond pour bien jouer… j’avais même un protocole pour l’occasion, mais c’était illusoire, la concentration est impossible dans ces conditions. Quelles conditions ?… que je vous raconte !
Je vous passe les détails habituels sur le roulement, les billes nettoyées au polish, les buttages et les billes qui tombent, cela devient la norme donc je fais avec. Même si cela me vaut quelques collages et des remises sur mouches, Thinh Kent et moi jouons sur le même matériel donc je ferme ma bouche et je joue… enfin j’essaie… c’est là que ça se complique pour moi… et mes espoirs de concentration et de bien jouer… les spectateurs directs étaient agglutinés autour de la table, du genre à pouvoir à peine circuler autour de la table. Il fallait que je demande aux spectateurs de se bouger pour que je puisse jouer. Les gens parlaient, buvaient, fumaient, autour de la table comme si je n’existais pas… ou au contraire justement parce que j’existais et qu’ils voulaient être au plus proche de moi et de mon jeu. Apparemment, c’est comme ça que ça se passe ici. C’est sympa, mais pour moi c’est quelque peu nouveau comme conditions. Je n’avais encore jamais vécu un tel amas de personnes à moins d’un mètre tout autour de la table, parfois tout simplement collés aux bandes. C’est déconcertant… L’impression d’être pris dans un étau, ou comme un poisson rouge dans son bocal.
Mais on s’en fout. C’est le show qui comptait, le plaisir des gens. D’ailleurs ce qu’ils aiment c’est les massés et les piqués. Ils s’en foutent de votre belle prise d’américaine, mais applaudissent à tout rompre votre piqué rentré ou votre massé pourtant pas difficile. Alors Thinh Kent, et du coup moi-même, leur donnons ce qui leur plait. On pousse volontairement le plaisir du match à son maximum et on enchaîne les massés, les piqués et autres piqués rentrés ! Les gens sont comme des fous. Je « rate » à 388 et donne la partie à Thinh Kent qui m’avait déjà attendu avant cela et qui jouait pour 3 points seulement. C’est du spectacle et les gens sont aux anges.
Autant vous dire que ce genre de match ne me correspond pas du tout et je ne suis pas du tout à l’aise dans ce rôle. Pour moi, personne n’attend personne, un match c’est sportif, le meilleur gagne et c’est tout. Là je peux vous dire que Thinh Kent m’aurait explosé en 2 reprises avec une série finale de pas loin de 400. Ca aurait été le sport et j’aurais accepté avec plaisir. Le côté spectacle ne me convient pas, mais je me plie à ce qui semble être une tradition ici et surtout à ce qui rend les gens heureux. Je l’ai vécu, je l’ai constaté, les gens étaient comme des fous et heureux de ce que nous avons fait. Alors que vouloir de plus ? La compétition aura sa place la semaine prochaine, mais pour cette fois c’était du show.
Et d’ailleurs le show a continué encore plus d’une heure avec le jeu de Thinh Kent. Chacun tire un numéro de loterie et il tire au hasard des numéro dans une bouteille. Celui qui possède le numéro tiré comme une série sur mouches et gagne de l’argent cash s’il fait 10 points, 20 points etc. Le niveau fait que bien peu arrivent à 10 points, le meilleur termine à 19 points. Et bien sûr il gagne t-shirt et queue de billard estampillé Thinh Kent. Ca peut paraître bizarre mais il vous suffit de voir les photos pour vous rendre la ferveur du public dans ce genre de jeu, et comme les gens sont agglutinés autour de la table… bien difficile de jouer concentré dans ces conditions, mais la ferveur populaire ici est revigorante. Nous en Europe qui connaissons le déclin, ici les gens sont fous de billard français et franchement ça fait du bien de constater que c’est possible ! N’en déplaise à ceux qui voient la mort des jeux de série.
