08.10.2014 – CHAMPIONNAT DU MONDE : CAUDRON EN OR, GRETILLAT EN BRONZE
08.10.2014 – CHAMPIONNAT DU MONDE : CAUDRON EN OR, GRETILLAT EN BRONZE

08.10.2014 – CHAMPIONNAT DU MONDE : CAUDRON EN OR, GRETILLAT EN BRONZE

Le podium

Alors que tout les regards se tournent déjà sur Guri en Corée, il convient de résumer ce championnat du monde à la bande qui s’est déroulé la semaine dernière à Saint-Brevin-les-Pins, en France. Le précédent championnat du monde avait été remporté en Espagne par l’allemand Wolfgang Zenkner, dans un endroit ecclésiastique historique… on avait l’impression d’être dans une église, c’était grandiose. Saint-Brevin-les-Pins nous a offert 5 ans plus tard le décors de la côte Atlantique, avec pour aire de jeu un endroit dédié à l’art… un théatre ! Certes moins historique, mais alors beaucoup plus fréquenté avec une fréquentation journalière permanente de 300 à 400 personnes, et bien sûr ce fût pas moins de 600 personnes qui sont venues voir la finale. Pas de secret, c’est l’homme en forme du moment, celui que beaucoup considère comme le meilleur joueur de tous les temps toutes disciplines confondues, le belge Frédéric Caudron qui glane le titre dans une finale partie au ralenti, face au hollandais Jean-Paul De Bruijn. Xavier Gretilat et Torbjorn Blomdahl complètent le podium.

Mais revenons au début de la compétition. Jeudi et vendredi, ce fut 4 groupes de 4 joueurs pour déterminer les 8 qualifiés.
Dans le groupe A, pas de problème pour le suédois Blomdahl qui passe avec deux victoires contre les asiatiques et une défaite face au suisse Gretillat. Justement, le joueur helvétique perd d’entrée contre le vietnamien Tran après un départ qui laisse sans voix (23 points en 20 reprises…). Il lui faudra se reprendre le lendemain pour gagner en 14 reprises contre le jeune japonais Mori, 20 ans, qui ne s’entraîne que 7 heures par jour depuis deux ans, et surtout en 6 reprises face au professionnel suédois. Le Suisse a dû sortir le meilleur de lui pour réaliser sa série de 104 et gagner ce match. Les asiatiques dont on ignorait tout, ont laissé un souvenir prometteur dans ce championnat. Le vietnamien Tran a montré ses capacités dans jeu très ouvert, mais a tout de même pu réaliser des passages bien menés. Le japonais Mori, entraîné par Sanchez au trois bandes et Umeda à la bande, s’est montré encore un peu fragile, mais a démontré un jeu de bande en devenir dont il faudra se méfier.
Dans le groupe B, le favori Jean-Paul de Bruijn gagne ses trois matchs, en affichant d’entrée ses ambitions avec une partie en 10 coups face au grec Gerassimopoulos, mais surtout en 3 coups avec une série de 127 face au français Johan Petit. Mais le hollandais fait déjà preuve d’une certaine fragilité avec une partie gagnée en 25 reprises contre l’allemand Steinberger… c’est fort rare de le voir jouer à ce niveau-là. La seconde place de qualifié a tourné à l’avantage de Petit au détriment du franco-grec, mais grec pour la circonstance, dans une longue partie en 30 reprises.
Dans le groupe C, le héros français a été Bernard villiers avec 6 victoires en 15, 15 et 11 reprises. Toujours redoutable poursuiveur, cet homme ne lâche jamais rien, comme un pitbull sur sa proie ! Si l’espagnol Garriga n’a rien démontré de son vrai niveau dans ce championnat, l’autrichien Kahofer et le belge De Backer se sont disputés la seconde place. Le duel entre les deux hommes a tourné à l’avantage du belge dans une partie en 18 reprises où l’autrichien avait largement de quoi faire la différence. Mais il est passé à côté lui aussi de son championnat, alors même que ses progrès fulgurants aux trois bandes et ses capacités de jeu à la bande le plaçait comme un prétendant au titre.
Dans le groupe D, on retrouve le même scénario avec la qualification facile du belge Caudron après deux tours seulement. Le jeune tchèque Baca étant décevant, la seconde place de qualifié se jouait au dernier tour entre le français Remond, largement soutenu par son public, et le champion du monde en titre l’allemand Zenkner. Remond a eu toute ses chances face à Caudron qui lui a laissé 18 reprises pour une victoire, mais il n’a pas su saisir l’occasion et reste avec un score de 120 points lorsque Caudron finit ses 150 points. Zenkner gagnant facilement face à Baca, il s’offre également la qualification pour la suite du tournoi.

 

Le lendemain, reclassement en deux groupes de 4 joueurs.
Dans le groupe E, on retrouve caudron et Blomdahl en tête, avec De backer et le “local” Petit. Après le premier tour, respectivement en 11 coups et 6 coups, Caudron et Blomdahl se retrouvent et le duel tourne court à l’avantage du belge, en 10 reprises. A ce second tour, le français Petit manque sa chance face à un De Backer à sa portée en 24 reprises. Au troisième tour, Caudron et Blomdahl étaient déjà qualifiés tant leur avance à la moyenne était grande. Caudron s’offre la première place du groupe en battant son compatiote en 5 coups seulement.
Quant à Johann Petit, il signe la plus grande performance en championnat du monde jamais enregistrée sur une distance de 150 points… il cloue le suédois sur sa chaise avec une série magistrale de 146 !!! Il signe au passage deux records du monde, celui de la meilleure série sur cette distance, et celui de la moyenne particulière toutes distances confondues. Tout simplement incroyable, il s’offre un statut qu’il mérite amplement à défaut d’une place sur le podium et, avec la simplicité qui le caractérise, il fait face à une incroyable standing ovation d’un théâtre plein à craquer !!!
Dans le groupe F, Jean-Paul de Bruijn gagne face à Zenkner, champion du monde en titre, alors que Gretillat lutte face au difficile Villiers et son public pour s’offrir une première victoire en 16 reprises. Au second tour, Gretillat ne sait pas saisir sa chance face au hollandais qui lui laisse tout de même 8 reprises pour prendre l’avantage, mais le suisse ne fait que 74 points. Pendant ce temps, Villiers prends sa première victoire face à l’allemand avec 22 reprises. Au troisième tour, De Bruiijn, déjà qualifié, enfonce le clou en battant le français en 10 coups.
Et le suisse s’offre le podium en prenant le dessus sur l’allemand méconnaissable, sans doute fatigué dans cette compétition. D’ailleurs, il l’a annoncé au gala qui a suivi cette journée du samedi, Wolfgang arrête toute compétition… il continuera juste quelques tournois régionaux aux trois bandes pour son plaisir. Il me confiera après, juste avant la prise de cette photo, qu’il n’avait plus de plaisir à s’entraîner, qu’il n’avait plus l’énergie pour fournir les efforts nécessaires pour maintenir le niveau international et que dans ces conditions sa participation n’avait plus de sens. Wolfgang Zenkner est un grand champion à la bande, d’Europe, du monde, recordman d’une série prolongée fantastique de 291 points sur trois match, dont un match de 150 points sur mouche… Il m’a demandé ce que je retenais de lui et sans hésitation, je lui ai répondu son côté combattant qui ne lâche jamais rien et son côté comédien qui, bien dosé, faisait de lui un adversaire redoutable. S’arrêtant là, il m’offre l’honneur d’avoir été son dernier adversaire. Wolfgang, tu vas nous manquer.

En demi-finale le dimanche, Caudron ne trouve pas de résistance à sa hauteur dans son match avec le suisse, puisqu’il ne réalise que 72 points en 8 reprises. Et sur l’autre table, le hollandais de Bruijn est méconnaissable et doit allewr jusqu’à la 20ème reprises pour terminer ses 150 points, face au suédois qui passe complètement à côté de sa demi-finale en ne marquant que 104 points.
Finale à 14h30, dans une salle archi comble… pas moins de 600 personnes pour venir acclamer celui qui gagnera cette finale. Les deux meilleurs spécialistes de la bande sont là, ce n’est pas vraiment une surprise. Deux jeux complètement différents, deux styles qui s’oposent. Le défi en 1500 points avait tourné à l’avantage du belge… pour cette fois, cette finale démarrait de façon moins glorieuse puisque tous deux n’affichait pas 30 points à la 9ème reprises… incroyable ! Mais Frédéric allait se reprendre en alignat trois séries de 35, 36 et 37 points ce qui l’a conduit à la victoire en 14 reprises.

Cette fois, ça y est, Frédéric caudron complète son palmarès avec ce titre de champion du monde à la bande, celui qui lui manquait encore. Le moment d’émotion sur le podium lorsqu’il prend la parole ne trompe pas, il est heureux d’avoir gagné ce titre. D’ailleurs, ses remerciements et son discours était fort à propos et je me joins à ce qu’il disait au sujet de l’abandon des disciplines classiques du billard par l’UMB qui n’organisera à l’avenir que les championnats du monde aux trois bandes, au cinq quilles, à l’artistique et à la bande… exit tous les jeux de cadre. Messieurs de l’UMB, nous doutons que ce soit une bonne décision et personnellement je la regrette.

Un grand remerciement au club de Saint-Brevin-les-Pins pour l’organisation de ce championnat du monde, tout particulièrement MM. Joel Bertrand et Jacques Deneuves en tête de cette équipe. Un grand merci aussi à Kozoom et son équipe toujours sympathique qui figent dans le temps ce que les mémoires finiront pas oublier. Merci également à Laurent Pirou pour ses photos. Et à tous ceux qui m’ont soutenu dans toutes ces épreuves.

“Pour ma part, ce championnat du monde est une incroyable aventure qui a commencé bien avant le début de la compétition. La préparation fut longue, intensive et beaucoup de sacrifices ont été réalisés, essentiellement en temps d’entraînement ce qui est tout à fait égoiste. Je suis arrivé à ce championnat du monde, principal objectif de l’année, avec bien entendu l’envie de faire au moins un médaille, mais plutôt un titre de champion ou vice-champion, rien que ça… ben oui, faut se mettre des objectifs hauts. Une préparation et un travail avant le championnat que j’ai fait au mieux en conciliant le temps de libre, le boulot et les soucis qui ne maquent jamais de faire leur apparition au plus mauvais moment… Mais bon, une certaine confiance quand même s’est dégagé de cette préparation, tant dans le petit jeu que dans les billes écartées, avec quelques beaux résultats en séance d’entraînement comme une très belle série de 190. Mais le jour du championnat, il convient bien entendu de relativiser tout ceci et de se recentrer sur le match présent, l’unique match… en l’occurence pour moi cela a commencé avec le vietnamien Tran. Ce joueur asiatique est inconnu et, à part sa moyenne de 8 et des poussières, rien n’était connu. Vu le niveau des asiatiques en ce moment, j’ai présumé qu’il tapait largement les 10 de moyennes, voire plus. Il commence le jeu et réalise d’entrée une série de 37. Moi je bute sur mon premier points et les quelques reprises suivantes écartées ne m’ont pas permis de maîtriser et de comprendre le matériel sur lequel je jouais. Tant les bandes, que le roulement insuffisant, que le niveau du billard qui tombait de partout, et surtout les billes de trois bandes ProCup qui éclataient anormalement en jouant doucement, la température de la salle réfrigérée… bref je n’ai pas réussi à gérer et en quelques reprises, j’avais perdu tous mes repères… j’étais perdu, dans le noir complet, je ne voyais plus rien, c’était fini. Alors que Tran lui continuait à jouer son jeu prudent et efficace. Je n’avais que 11 points en 17 reprises, 23 points à la 20ème… du jamais vu pour moi à ce point. Une seule fois j’ai obtenu une position favorable et j’ai pu enchaîner 44 points de série mais dès que les billes se sont retrouvées en demi-distance j’ai très raté toujours incapable de voir… Un cauchemar pour moi qui m’a fait mis la honte, j’ai ensuite rasé les murs, fuyant les regards, fuyant tout le monde. Je me suis retranché dans mon monde, à la quête d’une solution. Si j’enlève la série, je venais de faire 33 points en 23 reprises. Bon je savais au moins que le jeu de près pouvait fonctionner, mais j’avais tout perdu en demi-distance et distance. J’ai alors décidé de tenter une réanimation de ma confiance et de mon geste dans ces points-là, ça ne coûtait rien d’essayer. Je suis rentré à l’hôtel et je me suis entraîné sur le demi-match froid installé pour l’occasion à la réception de l’hôtel. Petite anecdote d’ailleurs… alors que je jouais pour récupérer un peu de sensation et de confiance, un vieux monsieur s’est installé sur le fauteuil et m’a regardé faire pendant un moment. Puis après, il se lance et me demande de jouer avec moi. Vu qu’il ne faisait que 1,5 de moyenne à la partie libre, j’ai joué avec lui au trois bandes alors que lui jouait la libre. Il s’est incrusté ainsi pendant plus d’une heure, m’obligeant à jouer au trois bandes, ce qui dans mon optique n’était de toute façon pas mauvais. Et tout d’un coup, ce vieux monsieur s’approche de moi et me dit “dites, vous êtes allé voir le championnat du monde ?”… et là j’ai réalisé que même auprès de cet homme, ma crédibilité de joueur avait disparu, il était certain que j’étais spectateur… jolie leçon d’humilité, je lui ai répondu que oui, j’étais allé voir ce championnat. Et nous avons continué à jouer jusqu’à ce que sa femme ne sorte du casino. Merci M. Aupy de m’avoir accompagné. retrouver un semblant de confiance dans le geste, c’était une chose, mais il fallait encore travailler la tête pour espérer battre le japonais et surtout Blomdahl… Une des clés dans ma trituration psychologique a été de me concentrer sur le match présent, en oubliant ce qui s’était passé. Je ne voulais pas de ce passé, mais cela impliquait aussi je ne voyais pas de futur non plus, juste le présent et ce point présent qui m’occupe sur la table. Plutôt basique, mais cela m’a permis de redresser tout le reste et d’être juste dans ma tête, comme j’aurais dû l’être dès le premier match… Résultats: je joue 14 reprises avec Mori et surtout seulement 6 reprises avec Blomdahl et une très belle série de 104 ! Voilà qui était mieux. Après ces deux matchs, j’ai enfin pu regarder les gens dans les yeux et la honte de ce premier match m’avait quitté. Le lendemain, je jouais Villiers en premier, un vrai combattant qui ne lâche jamais rien, un poursuiveur hors pair qui ne joue jamais autant bien que quand il est mené… je savais déjà qu’il allait appuyé sur mes faiblesses dans le grand jeu, mais étais prêt à cela et je savais que la partie allait durer. C’est une victoire en 16 reprises avec deux séries de 59 et 53… c’est un bon match conmpte tenu de l’adversaire. Mais là, j’ai ressenti encore toute la difficulté que provoquait le matériel avec lequel nous jouions. Toutes les tables étaient différentes et plusieurs d’entre nous se sont arrachés les cheveux à voir les billes tomber ainsi… ou butter… ou réagir d’une sorte imprévisible. Il fallait l’accepter, faire avec et surtout ne pas s’énerver. J’en ai fait une constante. Le matériel sera de toute façon mauvais et faudra faire avec… Le match suivant, c’était contre De Bruijn, le maître du jeu de coin à la bande. Mais ni lui ni moi n’avons brillé en série. Je n’ai pas réussi à croire en ce match alors qu’il me laisse finalement 8 reprises. De mauvaises augure pour le podium qui ne demandait plus qu’une victoire… avec Wolfgang Zenkner, ce combattant champion du monde, capable du meilleur comme du pire. Mais ce match a été à sens unique, l’allemand était à côté, fatigué, déçu de ses performances, il n’a rien joué et ce match a été finit en 13 reprises. Me voilà donc sur le podium avec au moins un médaille de bronze. Mais j’étais déterminé à trouver une place en finale et à battre – encore une fois – Frédéric Caudron. Le lendemain, j’étais préparé dans ma tête comme jamais, à fond concentré, je ne voyais plus personne autour des billes, je n’entendais plus rien, j’étais à fond dans mon match. Je commence cette demi-finale avec une série de 14 je crois, assez vite arrêtée, puis un événement se produit alors que je vais me rasseoir et là ce fut terminé pour moi. Chaque point de chacune des 7 reprises suivantes, j’ai été incapable de rester dans la ligne de conduite que je m’étais fixée. Ce championnat s’est terminé comme il a commencé, par une fragilité déconcertante. Peu importe l’événement en question, je sais juste qu’un fort joueur doit être capable de rester droit dans sa tête, quoi qu’il puisse se passer. Et cette fragilité mentale, cette sensibilité, m’afflige lorsque je vois le résultat qu’elle provoque. Bref, Frédéric réalise ses 150 points en seulement 41 minutes et moi je ne fais pas mieux que 68 points en 8 reprises. Ce n’est pas aussi fragile que cela que je peux prétendre à battre de grands champions et à prendre leur place en finale. Ce fut une incroyable expérience, chacun de ces matchs ont été pour moi une belle expérience. Et si je m’arrête ici avec une médaille de bronze, je ne renonce pas à aller plus haut. Mais il y a encore du boulot ! Et tant mieux, ce n’est pas le but de toute une vie qui est enrichissant, mais le chemin utilisé pour y parvenir.”

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